Alors que le triathlon n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements sur son territoire, le Maroc a décidé d’envoyer pour la première fois à l’étranger une délégation de triathlètes sur une épreuve du circuit international. A Sharm El Sheikh (Egypte), précisément, où se tiendra ce dimanche une coupe d’Afrique. Au total, ils sont 8 Marocains à être du voyage dont Mehdi Essadiq (151e mondial) et Raphaël Badr Pujol-Siwane (280e) qui rêvent tous les deux de représenter un jour leur pays aux Jeux olympiques.
Il y a d’un côté Mehdi Essadiq, 29 ans, véritable figure de proue du triathlon marocain depuis de nombreuses années (lire article ici). Et de l’autre, Raphaël Badr Pujol-Siwane, 21 ans, un peu moins connu mais tout aussi talentueux. Deux triathlètes passionnés qui font aujourd’hui la fierté du Maroc. Le pays où a grandi jusqu’à sa majorité le premier cité et d’origine – par son père – du second. Deux semaines après avoir dû se résoudre à ne pas participer au championnat d’Afrique faute de financement suffisant, ce dernier va enfin pouvoir lancer sa saison internationale.
« La fédération marocaine m’a appelé il y a à peine deux semaines pour me demander si je voulais faire partie de la délégation qui irait en Egypte. J’ai évidemment tout de suite accepté », confie Raphaël qui a décidé, il y a maintenant quatre ans, de représenter le Maroc sur les conseils de Yannick Petit (conseiller technique à la ligue Ile-de-France). Le sociétaire de Sainte-Geneviève-des-Bois – club où évolue aussi l’international tricolore Vincent Luis – sera donc au départ, dimanche, de la coupe d’Afrique de Sharm El Sheikh (Egypte) comme sept autres de ses compatriotes.
Mais derrière ce voyage se cache un projet complétement fou. Celui de se qualifier pour les Jeux olympiques de Rio. « Au départ, c’était irréalisable pour moi quand on m’en a parlé. Mais j’ai eu envie de tenter car rien n’est impossible dans la vie », confie celui qui porte l’identité de Badr Siwane lorsqu’il évolue sous les couleurs marocaines. Pour décrocher son ticket pour les JO, cet étudiant en école de radio devra se retrouver fin mai dans les 140 premiers mondiaux (Ndlr : il est actuellement 280e) et être au classement le premier athlète africain en dehors des représentants de l’Afrique du Sud.
« Pour le moment, il y en a deux devant moi. Mehdi et un Namibien qui a la chance d’avoir une fédération qui lui paye tout. Ce n’est pas mon cas. Je ne peux pas me permettre de faire une course à 2 000 ou 3 000 euros et n’avoir plus rien en revenant. Je suis étudiant », explique-t-il pour justifier son absence au championnat d’Afrique qui lui aurait pourtant permis d’obtenir de précieux points en vue d’une qualification olympique. « Mais je vais les marquer en Egypte, prévient-il. Je ne me rends pas là-bas pour du tourisme. J’y vais pour faire un hold-up et qu’on se souvienne du gars qui aura tenté quelque chose. »
Le jeune homme s’est en tout cas donné cette saison les moyens de ses ambitions. Ses journées sont d’ailleurs optimisées à leur paroxysme pour pouvoir s’entraîner suffisamment en vue des Jeux. « Je me lève à 5 heures. A 5h30, je fais une heure de transport en commun de chez moi, à Saint-Michel-sur-Orge, à Issy-les-Moulineaux pour aller nager là-bas. Ensuite, je vais à mon école à Paris de 8h30 à 12h30 puis, soit je rentre chez moi pour aller rouler ou courir, soit je vais travailler cinq heures au magasin Décathlon de Brétigny » pour pouvoir financer une partie de ses études et de son projet olympique.
Bref, loin des journées standards de la plupart des triathlètes qui iront à Rio. Mais le Franco-Marocain ne se plaint pas : « Certains réveils sont parfois un peu difficiles mais c’est un rythme à prendre. Si je me lève aussi tôt tous les matins, c’est pour essayer de me qualifier pour la plus belle compétition au monde. Et aussi pour montrer que la jeunesse marocaine est pleine d’envie. » Pour ça, il en est un formidable exemple.
Basile REGOLI