L’équipe de France a mis fin aujourd’hui à Paris à un quart de siècle de disette olympique en individuel et en valide, grâce à Cassandre Beaugrand, championne olympique chez les filles, et Léo Bergère , 3e chez les hommes.
Par Luc Beurnaux – Photos Getty images
Deux médailles, une tornade et quelques orages et on oublie tout. On oublie la polémique redondante, pénible et incessante de la qualité de la Seine (en oubliant un peu vite les 47 intoxications qui avaient eu lieu à Rio en 2016), on oublie le bashing de JO vécus sur place de façon magnifique pourtant (ambiance encore folle autour du circuit), on garde ses nerfs et son influx, côté athlètes, et l’on peut enfin sourire, crier de joie et s’enorgueillir de voir une équipe de France talentueuse (on le savait) enfin réussir à confirmer sur le parcours olympique parisien (comme elle le fait depuis deux ans sur le circuit mondial), magnifique écrin pour ce triptyque, et encore plus sous la lourde chaleur et le soleil revenus pour le départ des filles, ce matin à huit heures sur le site emblématique du Pont Alexandre III.
Un courant à maîtriser dans la Seine
Le parcours natation allait encore faire parler, mais sportivement cette fois-ci. Car le courant était fort, très fort dans la Seine, ce matin, fort comme rarement les triathlètes l’expérimentent sur le circuit. Et il fallait avoir l’œil marin pour déceler la trajectoire la moins éprouvante et déviante. Flora Duffy, 5 JO à son compteur et un titre olympique, avait tout compris, se calant au plus près des bouées et de la berge, pour profiter du courant, et non le subir. Absente – ou quasiment – depuis 18 mois pour une blessure à un genou, la Bermudénne allait -elle nous refaire le coup de Tokyo, et aller quérir un 2e titre de suite ?
C’est sans doute ce que ses adversaires, connaissant « la bête », ont voulu annihiler au plus vite, dès le vélo enfourché. Le peloton laissera bien un tour (sur les 7 du parcours vélo) à Duffy pour montrer ses couleurs. Puis un groupe de 9 allait se former, composé des favorites – Beth Potter (GB), Lisa Tersch (ALL), Georgia Taylor Brown (GB) , Julie Derron (SUI), Maya Kingma (HOL), Taylor Spivey (USA), et des deux Françaises Emma Lombardi et Cassandre Beaugrand. Léonie Périault, le jour de son 30e anniversaire, aura subi la natation, sortant à près de deux minutes des leaders.
Des glissades à gogo
Sur un parcours glissant, avec moult bandes blanches et pavés (sur 27% du parcours), les chutes se multipliaient. Jeanne Lehair (LUX) en était victime, ruinant tous ses espoirs de bien figurer. Léonie Périault également, sans gravité, mais voilà qui rajoutait à son débours. Knibb (USA) et Waugh (GB), deux autres « piégées» de la partie natation, tentaient de boucher le trou d’une grosse minute sur le groupe de tête, en vain finalement. Dans le dernier tour Kingma (HOL) et Duffy (BER) tentaient d’allier leurs forces pour s’extirper du groupe de tête. Mission impossible.
Le groupe de 9 allait arriver ainsi à T2. Taylor Spivey (USA) allait être la première à lâcher prise, suivie bientôt par Taylor Brown (GB) et les deux Allemandes Tersch et Lindemann. Un quatuor constitué des meilleures coureuses du moment allait se disputer le podium : qui de Cassandre Beaugrand, Emma Lombardi, Beth Potter et Julie Derron allait monter sur le podium. Et laquelle serait « punie » dune 4e place ?
La Suissesse Derron, élève de Brett Sutton, était la plus à l’oeuvre dans le groupe. A 22 ans, Emma Lombardi la jouait « vieux briscard » en s’abritant derrière ses aînées. Et Cassandre Beaugrand semblait la plus facile. Aucun rictus de souffrance, et la Française exilée en Angleterre depuis plusieurs mois allait faire parler ses qualités d’ex-mileuse pour « filer » dans le dernier kilomètre, et réaliser le meilleur temps pédestre en 32:42. « j’y suis allée un peu au bluff » avouera-t-elle plus tard. « C’était à quitte ou double, et finalement cela a souri » dira la nouvelle championne olympique, qui enchaînait ici avec une 3E victoire en 3 sorties, après ses victoires récentes sur la WTS de Cagliari et celle de Hambourg. “ « Je ne réalise toujours pas que je suis championne olympique. J’ai vomi avant le départ. Georgia Taylor Brown m’a rassurée et m’a dit : ‘c’est une course comme les autres, tu peux le faire. Je suis restée attentive tout au long du vélo. J’ai eu peur quand j’ai vu des filles chuter à côté de moi. Je savais que j’avais le meilleur finish, mais j’ai préféré accélérer avant. Cela a été mes 1 500 m les plus durs de ma vie. Je dédie ce titre à tous ceux qui ont toujours cru en moi même dans les moments difficiles » dira Cassandre. Une vraie patronne, désormais, à qui l’on prédisait depuis son plus jeune âge le plus beaux des destins. Beaugrand a réussi à magnifiquement confirmer ce potentiel, semblant totalement libérée et sûre de sa force !
Une »patronne » impressionnée par sa première Lieutenante, Emma Lombardi, 4e pour ses premiers JO. « On s’attendait à ce qu’elle nous regarde , nous demande des conseils, mais c’est presque l’inverse qui s’est produit cette année » dira Beaugrand, soulignant la grande maturité de son équipière. “ Je suis un petit peu déçue par ma 4e place » dira pour sa part Emma Lombardi. « Je ressens plein d’émotions. J’ai besoin que ça redescende. Cela a été une course de folie avec un public formidable que je remercie. La natation a été très dure. Il fallait rester vigilant avec le courant. Comme je suis bien sortie de l’eau, la course était bien lancée. J’ai coincé dans les deux derniers kilomètres. Il m’en a manqué un peu pour décrocher la médaille. Cela reste une belle place car je suis jeune et c’était mes premiers JO.” Léonie Périault, elle, n’aura jamais pu refaire son retard après un départ perturbé sur le ponton, puis esseulée en vélo, et 27e au final.
Pas d’échappatoire chez les garçons
Le spectacle féminin a sûrement donné des idées aux triathlètes masculins français, re-programmés finalement dans la foulée des triathlètes féminines, à 10h45. La telle densité affichée au cœur du peloton de 55 concurrents – ajouté à un parcours pas forcément propice aux échappés – n’aura pas permis, comme souvent, de créer de grosses différences dans l’eau, ni à vélo.
Du moins durablement. Car un groupe de 20 gars se formait bien dans le premier tour vélo, avec tous les favoris – dont les 3 français – excepté Hayden Wilde (NZ) 3e des derniers JO, et Kristian Blummenfelt (NOR), le tenant du titre ! Sam Dickinson (GB), chargé de protéger Alex Yee (GB) de leur retour, prenait bien soin à à ne prendre aucun relais, les laissant bien se dépouiller sur le parcours vélo !
La jonction était faite à mi-parcours, et c’était un groupe compact de 32 qui se présentait à T2 pour une explication finale à pied, selon un scénario vu régulièrement sur les WTCS. Et comme souvent, Alex Yee (GB) et Hayden Wilde (NZ) étaient les plus prompts à prendre la poudre d’escampette, suivi de Pierre Le Corre (FRA) et Léo Bergère (FRA), à une vingtaine de secondes.
L’improbable retour de Yee
Wilde semblait décramponner Yee, et on espérait même un retour des Frenchies sur le Britannique. Erreur. Le vice champion olympique de Tokyo (JAP) allait réussi un formidable dernier kilomètre, pour revenir sur Wilde (émoussé par ses efforts de début de vélo ?) et le déposer, pour aller conquérir l’or olympique.
Derrière le duo, Le Corre et Bergère allaient se disputer le bronze, à la régulière. « On s’est parlé et on s’est dit qu’il ne fallait pas se regarder, hésiter, et que ça revienne derrière » expliquera Léo Bergère. « Que ce soit lui ou moi sur le podium peut importait, il fallait que ce soit l’un d’entre nous, c’était ça le plus important » poursuivra Bergère. Au train, il allait décramponner Pierre Le Corre, finalement 4e, mais tout de même super beau joueur, et ravi de cette place au pied du podium ! Une place, qui il l’espère, lui permettra surtout d’obtenir son sésame pour le relais mixte du 5 août prochain, où l’équipe de France voudra prolonger ces heures de gloire et ce bel état d’esprit, qui pourrait en faire un collectif difficile à battre !
“ Je n’arrive pas à réaliser que je suis sur un podium olympique » dira Bergère. « C’est un rêve après lequel je cours depuis mes débuts en triathlon. J’ai été inspiré par mes prédécesseurs, Laurent Vidal, David Hauss et Vincent Luis. Je suis content d’être allé chercher la médaille. Nous avons démontré que le travail d’équipe pouvait avoir du bon. Pour obtenir cette médaille, il a fallu réaliser beaucoup de travail. Je suis fier de tout ce qu’on a mis en place à l’entraînement.”
Dorian Coninx, 3e du test event l’an dernier, avait du mal à cacher sa déception après sa 27e place. « J’étais prêt, j’étais bien, les sensations étaient bonnes en natation, mais si je devais faire un débrief à chaud, je pense que je n’ai pas su gérer psychologiquement l’événement. A pied, j’avais des points dans le dos, j’ai passé 10 bornes comme si je respirais à travers une paille ; mais ça n’a rien à voir avec la préparation, je suis quasiment sûr que c’est dans la tête que ça s’est joué… » analysera l’Isérois. » J’en ai peut être un peu trop fait à vélo, mais je pense pas que ça n’explique non plus un 10 bornes aussi catastrophique. A pied franchement c’était aucun plaisir, c’était horrible ».
TOP 10 Filles
1 BEAUGRAND Cassandre (FRA) 1:54:55
2 DERRON Julie (SUI) 1:55:01
3 POTTER Beth (GBR) 1:55:10
4 LOMBARDI Emma (FRA) 1:55:16
5 Flora Duffy (BER) 1:56:12
6 TAYLOR-BROWN Georgia (GBR) 1:56:35
7 KINGMA Maya (HOL) 1:56:53
8 LINDEMANN Laura (ALL) 1:57:01
9 TERTSCH Lisa (ALL) 1:57:03
10 SPIVEY Taylor (USA) 1:57:11
27 Léonie PERIAULT 2:00:40
TOP 10 garçons :
1 YEE Alex (GB) 1:43:33
2 WILDE Hayden (NZ) 1:43:39
3 Leo ERGERE Leo (FRA) 1:43:43
4 le CORRE Pierre (FRA) 1:43:51
5 VILACA Vasco (POR) 1:43:56
6 BATISTA Ricardo (POR) 1:43:58
7 HAUSER Matthew (AUS) 1:44:17
8 GONZALEZ GARCIA Alberto (ESP) 1:44:22
9 MISLAWCHUK Tyler (CAN) 1:44:25
10 HIDALGO Miguel (BRE) 1:44:27
27 CONINX Dorian (FRA) 1:47:37