L’Europe a sa Terre de Feu. Elle est située à 130km des côtes africaines, sur un lopin de terre appartenant à l’archipel des Canaries. C’est le site d’un des plus anciens, des plus exigeants ironman du circuit, l’Ironman Lanzarote.
Bienvenue à Lanzarote. Une terre hostile, rugueuse, secouée, il y a 290 ans, par une énorme éruption volcanique qui a recouvert de torrents de lave la majeure partie de l’île. Des roches rougeoyantes en pouzzolane de la Montaña Colorada, surgissent quelques villages épars, d’une blancheur éclatante. Sur les bas-côtés de longs rubans d’asphalte noir interminables, une végétation verdoyante parvient à sortir de terre. Sur les sommets de l’île, depuis le belvédère de Mirador del Rio par exemple, s’offrent des panoramas exceptionnels, avec vue sur les îlots voisins, et sur la mer cristalline. Ici, comme sur beaucoup d’îles, le vent, parfois violent, est un hôte habituel. Il s’engouffre entre le relief, dessèche un peu plus l’atmosphère.
Le sport favori des sportifs d’endurance
Malgré ces contrastes saisissants, l’archipel espagnol des Canaries est devenu l’un des spots favoris des athlètes d’endurance depuis une trentaine d’années. L’hiver venu, ils sont de nombreux Européens à venir se réfugier à Lanzarote, notamment, pour profiter d’un climat clément, et d’infrastructures idéales pour continuer à s’entraîner. Dans ce désert volcanique, ont été érigés quelques grands clubs de vacances sportifs, à l’image du Club La Santa. Piscines de 50m découverte, appartements spacieux, salles de sport dernier cri sont autant de prestations offertes par ce « resort» souvent colonisé par les clients germanophones, belges et scandinaves, les premiers à avoir «colonisé» les lieux, et popularisé cette offre. Sous une météo toujours clémente, et chaude, les routes –encore calmes et peu fréquentées–offrent de parfaits sites d’entraînement à vélo, avec un relief conséquent. A pied, le bitume ou les sentiers «nature» sont aussi très facilement accessibles. Il n’en fallait pas plus pour que la destination –à seulement 3 ou 4 h de vol des grandes capitales européennes -ne devienne un must pour les sports outdoor, et le triathlon.
Le « Hawaii » européen
Ce dernier a essaimé sur l’archipel avec souvent le même homme aux manettes, ou à l’origine des évènements. Son nom: Kenneth Gasque. Arrivé sur l’île pour présider aux destinées du Club La Santa en 1983, cet ancien sergent major de l’armée nationale, est devenu premier Danois a terminé l’Ironman d’Hawaii, en 1985. Trois autres finish suivront, en 1987, 1989 et 2005. L’évènement hawaiien lui donne une idée : dupliquer sur son île d’adoption le format Ironman. En 1989, il demande à Valérie Silk, présidente de la Hawaï Triathlon Corporation (HTC) de lui vendre une licence Ironman pour pouvoir organiser un évènement analogue, à Lanzarote. Mais l’Américaine a cédé ses droits d’organisation de compétitions en Europe au fondateur de l’Ironman Suisse jusqu’en fin 1991. Le patient Danois doit donc attendre avant de pouvoir détenir la licence Ironman, et organiser son épreuve. C’est chose faite en 1992. C’est ainsi que naît l’Ironman de Lanzarote. Depuis, chaque année au mois de mai, les triathlètes européens – dont beaucoup de Français – cochent cette épreuve mythique à leur calendrier. Ce fut l‘une des premières compétitions labellisées Ironman en Europe et reste encore aujourd’hui l’une des plus redoutées du calendrier Ironman.
Vent et chaleur au programme
L’épreuve fut longtemps décrite comme l’Ironman «le plus dur du monde» du fait de conditions climatiques toujours très difficiles, avec souvent beaucoup de vent, une chaleur suffocante. Mais parfois aussi, un froid glacial, au petit matin, à l’heure de plonger dans les flots de l’Océan. Ou la survenue soudaine de trombes d’eau, qui peuvent aussi corser un peu plus « l’addition ». La difficulté propre au parcours (avec notamment 2500m de dénivelé positif en vélo) a aussi empêché le développement de la participation, qui a longtemps stagné à 500-600 participants. Aujourd’hui, après l’avènement du circuit Xtri et ses épreuves extrêmes, Lanzarote ne compte plus sur la difficulté de son parcours pour sortir du lot. Mais peut compter sur son histoire, et sa longévité, pour attirer les concurrents vers cette épreuve qui fait partie des 5 Ironmans les plus mythiques de la planète, depuis les débuts du circuit. Au fil des ans, l’épreuve a tranquillement gagné en popularité, accueillant jusqu’à plus de 2200 concurrents en 2014. Elle peut se targuer d’être l’une des rares compétitions Ironman à rester indépendante de la WTC, et à ne pas être organisée directement par des équipes de l’Ironman Corporation. En 2019, 1600 concurrents ont encore participé à la 28e édition. Frédérik Van Lierde, adepte des parcours vélo sélectifs, y a trouvé un parcours adapté à ses capacités, et l’a emporté, ajoutant à son palmarès un triathlon mythique après son titre mondial à Kona en 2013 et ses 5 victoires sur l’Ironman France de Nice. Le champion belge rejoignait ainsi d’autres célèbres triathlètes au palmarès, au profil d’excellents rouleurs-puncheurs, à l’image de Alessandro Degasperi (double vainqueur), Thomas Hellriegel, Eneko Llanos, Victor Del Corral, Bart Aernouts, Paula Newby Fraser, Maribel Blanco, Karin Thürig, Bella Bayliss, Lucy Gossage, Lucy Charles, ou encore René Rovera, Romain Guillaume, et Arthur Horseau les trois seuls vainqueurs français en 31 éditions ; mais le dernier nommé a pulvérisé, l’an dernier, le record de l’épreuve !
Le record pour Arthur Horseau !
Malgré la profusion d’épreuves Ironman au calendrier, l’épreuve de Lanzarote reste l’un des monuments de la distance, et de la discipline, grâce à un parcours sélectif, et une ambiance singulière. Nager dans la baie de Puerto del Carmen, à l’abri des vagues, est un vrai plaisir. L’épreuve cycliste propose ensuite une traversée de l’île, par sa partie centrale à travers le relief du parc national de Timanfaya. Les concurrents rentrent d’amblée dans le vif du sujet avec une montée vers la Géria sur les 15 premiers kilomètres, puis une longue descente vers la vallée des 1000 palmiers, avant une longue montée vers Los Helechos en trois paliers, pour atteindre ce point culminant du parcours, à 588m d’latitude… Ce sera ensuite l’heure de se diriger vers le fameux panorama plongeant sur la mer depuis le sommet du Mirado Del Rio. Un peu de répit, ensuite, avec une descente vers la côte Est et Arrieta, avant un dernier effort pour grimper jusqu’à Teguise puis Tegoyo, et relier Puerto Del Carmen, le centre névralgique de l’épreuve. Quelques instants magiques qui feront oublier, tant bien que mal, les longues lignes droites interminables et brûlantes, souvent balayées d’un fort vent de face. Le triptyque se conclura par un marathon «muy caliente» en bord de plage, sous formes de trois boucles reliant Puerto del Carmen et Arrecife. Inutile de préciser qu’il faudra arriver en forme très tôt dans la saison pour pouvoir profiter des atouts de cette épreuve mythique. Faute de quoi la Terre de Feu pourrait vous brûler les ailes !
Prochaine édition : 18 mai 2024
PALMARES :
HOMMES | FEMMES |
1992 Ben van Zelst (HOL) | 1992 Janine Daley (USA) |
1993 Ben van Zelst (HOL) | 1993 Katinka Wiltenburg (HOL) |
1994 Frank Heldoorn (HOL) | 1994 Paula Newby-Fraser(ZIM) |
1995 Thomas Hellriegel (ALL) | 1995 Paula Newby-Fraser(ZIM) |
1996 Frank Heldoorn (HOL) | 1996 Katinka Wiltenburg (HOL) |
1997 Peter Reid (CAN) | 1997 Paula Newby-Fraser (ZIM) |
1998 Rolf Lautenbacher (ALL) | 1998 Melissa Spooner (CAN) |
1999 Matthew Belfield (GB) | 1999 Lena Wahlqvist (SUE) |
2000 Dirk Van Gossum (BEL) | 2000 Lena Wahlqvist (SUE) |
2001 Christoph Mauch (SUI) | 2001 Laura Bieger (ALL) |
2002 Peter Sandvang (DAN) | 2002 Maribel Blanco Velasco (ESP) |
2003 Thomas Hellriegel (ALL) | 2003 Maribel Blanco Velasco (ESP) |
2004 René Rovera (FRA) | 2004 Virginia Berasategui (ESP) |
2005 Ain-Alar Juhanson (EST) | 2005 Virginia Berasategui (ESP) |
2006 Ain-Alar Juhanson (EST) | 2006 Karin Thürig (SUI) |
2007 Eneko Llanos (ESP) | 2007 Tiina Boman (FIN) |
2008 Bert Jammaer (Bel) | 2008 Bella Comerford (ECO) |
2009 Bert Jammaer (BEL) | 2009 Bella Comerford (ECO) |
2010 Eneko Llanos (ESP) | 2010 Catriona Morrison (GB) |
2011 Timo Bracht (ALL) | 2011 Rachel Joyce (GB) |
2012 Victor Del Corral Morales (ESP) | 2012 Michelle Vesterby (DAN) |
2013 Faris Al-Sultan (ALL) | 2013 Kristin Möller (ALL) |
2014 Romain Guillaume (FRA) | 2014 Lucy Gossage (GB) |
2015 Alessandro Degasperi (ITA) | 2015 Diana Riesler (ALL) |
2016 Jesse Thomas (USA) | 2016 Tine Holst (DAN) |
2017 Bart Aernouts (BEL) | 2017 Lucy Charles (GB) |
2018 Alessandro Degasperi (ITA) | 2018 Lucy Gossage (GB) |
2019 Frederik Van Lierde (BEL) | 2019 Nikki Barlett (GB) |
2020 – Annulé Covid 19 | 2020 – Annulé Covid 19 |
2021 – Andi Boecherer (ALL) | 2021 – Michelle Vesterby (DAN) |
2022 – Kenneth Vandendriessche (BEL) | 2022 – Lydia Dant (GB) |
2023 – Arthhur Horseau 8h22 :31 (record) | 2023 – Lydia Dant (GB) |