Pour la deuxième fois de sa carrière, Benoît Nicolas, 40 ans depuis avril, est devenu champion du monde de duathlon. Cela s’est passé ce week-end à Penticton au Canada. Arrivé en France ce mercredi matin, le Brestois nous a accordés pendant son voyage en TGV pour rentrer chez lui une demi-heure d’interview, parfois interrompue par manque de réseau. Ou de batterie. « J’ai dû aller le recharger un peu dans les toilettes. Là, j’ai 15 % », nous a sorti le garçon avant d’aborder les deux dernières questions de l’entretien.
Benoît, qu’avez-vous ressenti à l’arrivée de votre course ?
« J’étais très content. Un titre mondial, ce n’est pas rien. Je me suis dit sur le moment que ça pouvait faire une belle fin d’un film, que je pouvais arrêter ma carrière là-dessus. A l’arrivée, j’ai eu l’impression que vingt ans de sport me tombaient sur la tête. J’ai pensé à tous mes potes qui sont là depuis le début, à toutes ces heures d’entraînement. Je me posais parfois la question si c’était encore de mon âge un truc comme ça…
Dans quel état d’esprit êtes-vous allé à ces Mondiaux ?
Ça faisait un mois que j’étais très nerveux. Je sentais que ça montait petit à petit. J’y allais pour être devant d’autant que j’avais fait de bons entraînements à pied et à vélo. Maintenant la probabilité que je gagne la course était plus faible qu’une défaite. Je m’étais préparé aussi à ça surtout qu’il n’y avait pas eu de duathlon depuis trois mois. Ce n’était pas évident d’avoir des certitudes. Il y avait des paramètres aussi à gérer comme le décalage horaire et la météo. Là-bas, il faisait 30 degrés.
Que se passe-t-il dans votre tête quand vous vous faites la malle avec Emilio Martin en vélo ?
La première chose que je me suis dite, c’est qu’ils allaient revenir de suite car ce n’était pas une grosse attaque. Mais les mecs n’ont pas réagi. On avait réussi à prendre 80 mètres au bout d’une minute. Sur ce coup-là, les Anglais ont merdé. Ils étaient en force, ils auraient dû rouler. Cinq kilomètres après, l’écart était de 22 secondes. Emilio commençait à dire que c’était mort. Je lui ai dit que non. Il restait un dernier tour. On a bien appuyé sur les pédales dans la dernière bosse et l’écart est monté en haut à 40 secondes, puis 50 à la fin du vélo. C’était dingue !
Racontez-nous ensuite cette seconde partie pédestre…
Dès que je pars, je sens que j’ai les jambes. Emilio est lui collé. Je m’en étais un peu aperçu sur la fin du vélo. Je fais l’écart tout de suite avec lui. Au moment du demi-tour à 1,2 km, j’allais pouvoir voir les autres, qui étaient en train de revenir. Je m’attendais à un écart de 30 secondes. Mais je ne les ai pas vus tout de suite. J’avais quasiment 1’10 d’avance sur eux. A ce moment-là, je me dis que ça sent bon si je ne relâche pas. Et là, gros coup de stress à deux kilomètres de l’arrivée. On me dit que j’ai pris une pénalité. Je commence à regarder derrière moi, Emilio était à 20-25 secondes. J’ai fait un effort pour lui reprendre 10 secondes avant qu’on me dise que lui aussi avait pris une pénalité.
Cette médaille d’or a-t-elle la même saveur que celle obtenue il y a trois ans en Espagne ?
J’ai l’impression qu’elle fait plus parler, peut-être parce que j’ai 40 balais… On me donnait aussi un peu sur la pente descente cette année. Celle-là était moins prévisible qu’en 2014 où j’avais dominé toute la saison.
Cet hiver, vous avez traversé une période difficile. On imagine qu’il a fallu faire preuve de patience pour réussir à remonter la pente ?
J’ai chopé une grippe en décembre et plutôt que de me soigner, j’ai insisté dessus. J’allais m’entraîner. Ça a été de pire en pire en janvier (il a dû se résoudre à écourter sa saison de cross-country, ndlr). J’étais dans le ‘’speed’’ après. Quand tu termines huitième au France et que tu te fais battre par des mecs qui n’ont jamais été devant toi avant, ce n’est pas bon. J’avais bien deux mois de retard dans ma prépa. Après, c’était une question de temps. Je savais que j’allais être mieux au Monde.
On vous compare parfois au coureur Pierre-Ambroise Bosse (champion du monde du 800m, ndlr) qui a comme vous toujours le mot pour rire…
Il est bien plus fantasque que moi et surtout il va plus vite (rires) ! Par contre, je pense qu’on s’entendrait bien. Je l’ai vu faire ses tours de magie, j’ai exactement les mêmes. C’est un truc de dingue… Il faudrait qu’on se rencontre, on pourrait faire de belles soirées ensemble.
Quel est votre secret pour être aussi performant à l’âge de 40 ans ?
La passion ! J’aime ça, courir et rouler. J’ai fait les choses un peu différemment cette année. Si je ne veux pas rouler trois heures un jour, je fais seulement une heure et demie. Je me mets moins de pression qu’avant. Je vois aussi des choses apparaître. Par exemple cette saison, je n’ai pas réussi une seule fois à faire 12x400m en moins de 1’04 alors que les autres années si. Par contre tout ce qui est allure seuil, ça ne bouge pas trop. Je mets aussi un peu plus de temps à récupérer de certaines séances.
Qu’allez-vous faire maintenant ?
Ce titre me donne encore accès à deux années sur les listes (ministérielles, ndlr). Une chose est sûre, je suis plus près de la fin que du début. J’ai encore envie de faire du haut niveau pendant deux ou trois ans. Mais on verra, j’en aurai peut-être marre à un moment.
En mars 2018 aura lieu le championnat de France de cross-country à Plouay en Bretagne. On imagine que vous avez déjà noté ce rendez-vous à votre agenda ?
Je l’ai coché. Ça serait sympa d’y participer. Maintenant la question que je me pose c’est, si je le fais, est-ce que ça ne va pas manger un peu la saison de duathlon. Car les Mondiaux sont en juillet l’an prochain… Je déciderai certainement ça courant novembre. »
Recueilli par Basile REGOLI – (c) ITU Média