Un an après LĂ©o Bergère, Dorian Coninx a Ă©tĂ© sacrĂ© champion du monde cette annĂ©e. Il confirme donc la très bonne forme du triathlon français Ă un an des Jeux olympiques Ă domicile. Mais Dorian se projette dĂ©jĂ sur l’annĂ©e prochaine. Les courses des Jeux olympiques seront Ă©videmment ses objectifs principaux de la saison 2024, et il revient sur la place que cette compĂ©tition prend dans son cĹ“ur.Â
Photos Théo Gomez et World Triathlon
Dorian, es-tu redescendu de ton nuage depuis ton titre mondial ?
Le titre m’a fait très plaisir. C’Ă©tait la consĂ©cration d’un objectif que j’avais depuis longtemps et qui Ă©tait de trouver de la rĂ©gularitĂ©. La fin de la saison s’est bien passĂ©e, j’ai pris des vacances, et maintenant mon objectif est de ne plus trop penser, voire plus du tout penser, au titre, et de simplement garder en tĂŞte le fait que j’ai le niveau pour jouer devant. Je sais comment me prĂ©parer, je sais ce dont j’ai besoin Ă l’entraĂ®nement et d’un point de vue mental. Je vais me servir de toutes ces informations pour me prĂ©parer pour l’an prochain.
Ce titre mondial t’apporte-t-il plus de sérénité au quotidien ?
Oui un petit peu, dans le sens oĂą, effectivement, la saison dernière, j’ai su me prĂ©parer et rĂ©pondre prĂ©sent sur toutes les courses, que je sois arrivĂ© très en forme, un peu moins en forme, très stressĂ© ou pas du tout. Ă€ chaque fois, j’ai rĂ©ussi Ă me mettre dans l’état permettant d’être performant et c’Ă©tait vraiment cool. Ça, c’est le point positif. Le point un peu plus nĂ©gatif, c’est que je me dis qu’il faut que je sois vigilant Ă ne pas changer d’Ă©tat d’esprit, car j’ai trouvĂ© celui qui marchait.
Est-ce que cette présélection change quelque chose à ton état d’esprit ?
Mon objectif principal de la dernière saison Ă©tait la sĂ©lection, plus que le classement gĂ©nĂ©ral. Il se trouve que les deux ont Ă©tĂ© rĂ©ussis donc c’est vraiment très cool. Et s’il s’agissait de mon objectif principal, c’est parce que sur les deux dernières Ă©ditions des Jeux olympiques, je n’avais pas Ă©tĂ© prĂ©sĂ©lectionnĂ©, donc cela me mettait une pression et m’obligeait Ă devoir courir toutes les courses du dĂ©but de saison et cela crĂ©e de la fatigue. C’est pour cela que je voulais ĂŞtre prĂ©sĂ©lectionnĂ©. L’idĂ©al serait que je ne pense pas aux Jeux et que j’arrive sur les compĂ©titions en Ă©tant performant et que, parce que la saison avance et que les cycles plus spĂ©cifiques arrivent, je devienne meilleur. Le plan, c’est ça, on verra si j’arrive Ă le respecter.
Comment faire pour se remettre en question et Ă©viter d’arriver trop sĂ»r de soi Ă la reprise ?Â
Il y a deux choses. Je ne pense pas qu’une saison corresponde Ă un cycle entraĂ®nement-remise en cause, entraĂ®nement-remise en cause, etc. Une saison, c’est un travail physiologique, qui se fait sur plusieurs annĂ©es. Donc tu peux suivre le mĂŞme schĂ©ma d’entraĂ®nement pour continuer Ă progresser en allant un petit peu plus vite ou un petit peu plus longtemps. C’est très fin, car il ne faut pas tout changer quand quelque chose fonctionne, mais en mĂŞme temps, Ă partir du moment oĂą on arrĂŞte d’essayer de progresser, quelque part, on rĂ©gresse dĂ©jĂ . C’est un juste milieu Ă trouver. Â
Tu disputeras certainement tes troisièmes Jeux olympiques. Que représente cette compétition ?
Les Jeux olympiques ont toujours Ă©tĂ© super importants. Comme beaucoup d’enfants, c’est la compĂ©tition que je regardais le plus avec le Tour de France, mais pour y participer ça va ĂŞtre compliquĂ© je pense (rire). Ma première expĂ©rience, c’était Ă Rio (2016). J’Ă©tais relativement jeune, j’avais 22 ans et c’Ă©tait ma deuxième saison internationale Ă©lite. J’avais d’énormes problèmes de rĂ©gularitĂ© et je ne finissais qu’une course sur deux. Donc je n’avais aucune sĂ©rĂ©nitĂ© sur ma capacitĂ© Ă reproduire ce que j’étais capable de faire et j’avais un peu Ă©tĂ© dĂ©passĂ© par l’évĂ©nement. J’avais fait une très bonne natation et quand je suis sorti, je me suis complètement fait rattraper par le stress. Donc j’ai complètement ratĂ© ma première transition et ça m’a pĂ©nalisĂ© sur toute la course après. Je termine 36e. J’Ă©tais très déçu parce que mĂŞme si je n’Ă©tais pas rĂ©gulier, j’Ă©tais quand mĂŞme dĂ©jĂ capable de faire de très bonnes courses. En revanche, cette expĂ©rience m’a beaucoup apportĂ©. J’ai mis plein de choses en place et ça a Ă©tĂ© un des moments oĂą j’ai le plus fait avancer ma perception sur le sport et ma carrière.
La deuxième expĂ©rience, c’Ă©tait Tokyo (2021). J’Ă©tais dĂ©jĂ beaucoup plus abouti. La course ne s’était pas très bien passĂ©e…j’ai pris un gros coup de chaud sur la fin de la course. Ă€ deux kilomètres de l’arrivĂ©e, j’Ă©tais encore dans le top 5 quasiment et je termine 17e. Finir 5e, j’aurais signĂ© directement parce que c’Ă©tait une très bonne performance pour moi Ă cette Ă©poque-lĂ . Mais 17e…je n’étais vraiment pas très content. Mais j’avais produit une performance plus aboutie et il n’avait pas manquĂ© Ă©normĂ©ment. On avait aussi ramenĂ© une mĂ©daille (en bronze) avec le relais mixte et ça, c’Ă©tait gĂ©nial. J’étais très content que ce soit en relais parce que la course d’équipe me tient Ă cĹ“ur, mais en mĂŞme temps, vu que le triathlon est un sport individuel Ă la base, ça m’a encore plus donnĂ© envie de faire une mĂ©daille en individuelle. Et puis quand on fait 3e, on voit ce qu’il se passe pour les premiers, donc j’ai encore plus envie de finir premier. LĂ , les avoir en France, c’est quelque chose d’inespĂ©rĂ©. La dernière fois, c’était quand ? 1924 ? (il nous pose la question ndr) J’Ă©tais pas nĂ© (rire). Toute ma famille et mes amis pourront ĂŞtre lĂ et puis ça va ĂŞtre la fĂŞte. Autant en profiter au maximum.
Tu as aussi terminé 3e au test event 2023. Que manque-t-il pour être sur la plus haute marche du podium ?
Si je pars avec Alex Yee en course Ă pied (vainqueur du test-event, ndr), je sais que j’ai 90 % de risque d’ĂŞtre battu. Par contre, parfois, on arrive Ă le relĂ©guer un peu loin dans la course, notamment grâce Ă la natation et l’enchaĂ®nement sur le vĂ©lo. On a la chance d’avoir tous un peu le mĂŞme profil avec les autres Français et il faudra qu’on arrive Ă s’appuyer lĂ -dessus, mĂŞme si ce n’est pas facile parce que c’est ça reste une course individuelle. Donc c’est un gros Ă©lĂ©ment de rĂ©ponse, et puis deuxièmement, Vasco Vilaca (deuxième) me bat pour 20 centimètres, mais il n’y a aucun doute sur le fait que j’avais tout donnĂ©. C’est le sport. Son niveau, ce jour-lĂ , Ă©tait supĂ©rieur au mien. J’ai huit mois pour m’entraĂ®ner pour que la prochaine fois, je sois 20 centimètres, ou plus, devant lui.
Tu as parlé de la médaille sur le relais mixte. Que change cet aspect collectif dans le triathlon ?
C’est une autre façon d’aborder la course. Les points de stress ne sont pas du tout les mĂŞmes. Par exemple, sur une course individuelle, mon stress numĂ©ro un est de ne pas ĂŞtre capable d’ĂŞtre performant, alors que sur un relais, mon stress numĂ©ro un, c’est de dĂ©cevoir mes coĂ©quipiers. Je ne m’autorise pas Ă ne pas ĂŞtre bon, pour ne pas les dĂ©cevoir. En plus, il y a une très bonne ambiance, que ce soit avec les filles ou avec les garçons, ce qui me donne d’autant plus envie de courir avec eux.
Qu’allez-vous programmer la saison prochaine ?
J’ai des lignes directrices. Je sais que je descends mi-janvier dans le sud de la France, Ă Saint-RaphaĂ«l, car comme j’habite Ă Grenoble, l’hiver pour faire du vĂ©lo, c’est un peu compliquĂ©. Puis je repasse par Grenoble avant la première course de l’annĂ©e qui sera Ă Abu Dhabi dĂ©but mars (8 et 9). Il y aura ensuite d’autres courses, puis je vais monter un mois en stage Ă Font-Romeu avant de redescendre, pile poil, 15 jours avant l’Ă©preuve individuelle. Ce sont mes deux grands axes et le reste, il faut que je voie le coach, car je viens juste de rentrer de vacances.