Dans la presse américaine, Dave Scott a souvent été comparé à un ermite doublé d’un stakhanoviste. Comme Mark Allen son cadet de 4 ans et rival de tous les temps, il a gagné 6 fois l’Ironman d’Hawaii. Un record qui n’est bien entendu pas près d’être égalé. Légende parmi les légendes, après 12 années passées en pro, ce Californien installé à Boulder dans le Colorado depuis 1992 est aujourd’hui et à 65 ans le coach le plus réputé de la planète pour des centaines d’amateurs…
Dave Scott est une figure de notre sport que les sponsors modernes s’arrachent encore à prix d’or. “The man” comme on le surnommait du temps de sa splendeur, était réputé pour les doses d’entraînements surhumaines qu’il avalait toujours tout seul : il nageait seul, il pédalait seul, il courrait seul, tous les jours. Rien ne pouvait l’arrêter. Ni la chaleur, ni le vent, ni les paysages un brin monotones près de chez lui qu’il connaissait par coeur, ni la fameuse route infernale du marathon de l’Ironman qui traverse encore aujourd’hui les champs de lave de Big Island : le Queen Ka’ahumanu Highway et son Natural Energy Laboratory Hawai`i Authority, le fameux Energy Lab. Dave Scott a été le premier triathlète professionnel. Il était connu pour des capacités de concentration exceptionnelles. Et c’est avec cette même application, ce même oeil de coquin qui cherche à vous intimider et ses petits rires machiaveliques répétitifs, que l’ancien coach de natation devenu l’une des deux plus belles légende du triathlon de tous les temps a répondu à nos questions. Vous vouliez en savoir plus sur la psychologie de Dave Scott. Ne cherchez plus. C’est là.
TriMag : Parlez nous d’abord de là où vous avez vécu quand vous étiez pro, en quoi c’était un bel endroit pour la pratique du triathlon ?
Dave Scott : J’ai grandi à Davis, près de Sacramento, en Californie du Nord. C’est une région agricole. De bonnes collines, une chaleur sèche en été…ça ressemble à Kona. On l’appelle Central Valley parce que c’est pile entre la Sierre Nevada et la chaîne de montagne de la côte Pacifique. La principale caractéristique géographique de cette région, c’est non seulement son relatif isolement mais aussi ses vents qui peuvent être violents. Ils viennent de la baie de San Francisco et s’engouffrent avec force dans la San Joaquin Valley. Ce n’est pas rare qu’ils poussent des voitures de l’autre côté de la route, des coureurs à pied ou des cyclistes aussi. Mon truc à moi, c’était la natation comme vous le savez. Je faisais du 200 et du 400 mètres, mais aussi du water polo. Mais à vélo ou à pied, rien ne m’arrêtait, ni ces vents, ni ces collines, ni la chaleur, ni le fait qu’à Davis, il n’y avait finalement pas grand chose à faire. La vie était monotone. C’était justement ça qui me plaisait. Davis était en fait un excellent terrain d’entraînement. Je le connaissais par coeur. J’avais mes références. C’est pour ça que j’y suis toujours resté et que je ne suis jamais allé vivre à San Diego ou même à Boulder.
TriMag : Et vos journées, elles ressemblaient à quoi ?
Dave Scott : Avant de me marier, quand je travaillais encore et ne vivait pas à 100% de mon sport, la journée, je coachais jusqu’à 400 personnes. Je les conseillais. J’étais plus qu’un coach. Et puis j’allais m’entraîner. Je finissais généralement vers 23h, 23h30. J’allais manger une salade et j’écrivais sur un bout de papier mes entraînements du lendemain. Et puis j’allais me coucher. En 1985 quand je me suis marié, j’ai modifié ça un peu. Un peu.
TriMag : Et quand vous étiez pro ?
Dave Scott : Je viens de vous le dire : je vivais à Davis. Il n’y avait rien à faire. Je m’entrainais beaucoup. C’était chez moi. Je faisais ce que je voulais. Je n’étais pas le meilleur sur toutes les distances et tout au long de l’année comme pouvait l’être mes comparses Mark Allen, Scott Tinley, Scott Molina ou encore Mike Pigg. Mais arrivé au 1er août chaque année, j’étais capable de m’enfermer, de ne plus rien laisser passer et de me concentrer sur une seule chose : l’Ironman d’Hawaii. Je passais aussi plusieurs semaines en été à Boulder pour m’entraîner, là où je vis aujourd’hui.
TriMag : Vous avez d’une certaine manière commencé votre carrière en gagnant par deux fois l’une des courses qui a inspiré l’Ironman tel qu’on le connaît aujourd’hui. C’était la Waikiki Roughwater Swim, une compétition d’eau libre de 3,824 km qui existe encore et fêtera d’ailleurs cette année, le 2 septembre prochain, son 50ème anniversaire.
Dave Scott : Oui c’est vrai. À l’époque, je nageais le matin, soulevait de la fonte le midi et courrait 11 miles le soir (17 km). En 1978, John Collins me montre un prospectus qui fait la pub de son Ironman. J’ai trouvé que c’était une très bonne idée de course à faire en trois jours, un sport par jour. Quand il m’a dit que c’était à faire en enchaînement, le même jour, je ne me suis pas démonté. Je me suis juste dit que c’était un beau challenge, en effet. La natation ne me faisait pas peur mais je n’étais pas du tout un spécialiste du vélo, ni de la course à pied d’ailleurs.
Recueilli par Gaël Couturier – Photo Gary Newkirk /Allsport
INTEGRALITE DE L’INTERVIEW A RETROUVER DANS TRIMAG 86, DISPONIBLE ICI