La pandémie de Covid-19 a projeté sous les feux de la rampe l’importance d’une immunité efficace. L’impact de l’activité sportive sur le système immunitaire a notamment été évoqué. Nos défenses sont-elles renforcées ou affaiblies par la course à pied ? Comment booster son immunité ?
Par Marie Paturel
Immunité collective, immunité croisée, tempête immunitaire, orage de cytokines, anticorps… Le champ lexical de l’immunité n’a de cesse de dévoiler toute sa richesse depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Face aux risques de contagion, les gestes barrières sont prônés à tout-va et les conseils en matière d’hygiène de vie pullulent. Pourquoi ? Parce que mener une existence saine permet de maintenir au top de leurs performances les défenses de l’organisme. Les sportifs seraient-ils donc à l’abri de toute forme grave de Covid-19 ?
L’activité sportive, amie ou ennemie du système immunitaire ?
Dans les années 1980, des chercheurs se sont penchés sur l’immunité des coureurs à pied, en particulier des marathoniens. Leurs études ont montré que la pratique intensive du sport affaiblit les défenses immunitaires, les marathoniens étant fréquemment touchés par des rhumes ou des affections respiratoires après leur épreuve. D’autres recherches ont mis en évidence que les sportifs de haut niveau sont davantage enclins à contracter des infections et que les pratiquants s’astreignant à un entraînement supérieur à 10 heures hebdomadaires subissent plus souvent des maladies respiratoires. A l’origine de cette sensibilité accrue, le stress que représente l’entraînement intensif pour l’organisme, mais aussi la baisse du taux de lymphocytes dans les heures (voire les jours) qui suivent un entraînement intense ou une compétition. La conclusion s’est alors imposée aux scientifiques : faire du sport permet de rester en bonne santé et de maintenir une bonne immunité, à condition toutefois de ne pas pratiquer de manière intensive.
Cependant, de récentes recherches ont jeté un pavé dans la mare en contrecarrant clairement les études antérieures : non, le sport n’a pas l’effet négatif sur l’immunité jadis pointé du doigt. Les études ont révélé qu’un sport d’endurance pratiqué à haute intensité entraîne une double modification des cellules immunitaires :
– Pendant l’effort, le taux sanguin de certaines cellules augmente, parfois jusqu’à 10 fois au-delà des valeurs normales.
– Après l’effort, la concentration sanguine de certaines cellules diminue drastiquement pour atteindre souvent des taux inférieurs à ceux observés avant l’exercice physique.
Ce phénomène, appelé open window, est considéré comme une « fenêtre ouverte » sur l’agression par des virus et des bactéries : le sportif est alors plus vulnérable aux pathologies de la sphère ORL (otites, bronchites, rhumes, etc.). Mais cette baisse des taux sanguins post-effort a été interprétée à tort comme un phénomène d’immunodépression alors que les cellules immunitaires, loin de disparaître, se déplacent plutôt vers d’autres zones du corps. « On a une redistribution tissulaire, un changement de localisation, qui permet d’assurer la défense de l’organisme – et de certains tissus en particulier – contre certains virus à la suite de l’exercice physique, phase de plus forte vulnérabilité face aux substances étrangères », indique Xavier Bigard, physiologiste de l’exercice, nutritionniste, membre de l’Académie de médecine et directeur médical de l’Union cycliste internationale (UCI). « Il s’agit donc moins d’une altération des défenses immunitaires que d’une modification de la localisation des cellules immunitaires. » En fait, les cellules immunitaires migrent dans l’organisme pour protéger les secteurs les plus vulnérables, ce qui explique la diminution de leur présence dans le sang et le retour à des taux sanguins normaux quelques heures après la fin de l’effort. Ainsi, si l’activité sportive n’est pas forcément à l’origine d’une dépréciation de l’immunité, elle doit être modulée en fonction des saisons et des cycles d’entraînement. « Je conseille, par exemple, d’éviter la surcharge de travail à l’entraînement en hiver, période propice aux infections », indique Xavier Bigard.
Les vertus immunitaires de l’activité sportive
Il apparaît donc que l’exercice physique n’entraîne pas de déplétion des défenses immunitaires. A l’inverse, une activité physique modérée et fréquente améliore les défenses immunitaires. Le corps médical recommande d’ailleurs aux personnes immunodéprimées de pratiquer une activité physique régulière, à intensité faible ou modérée, pour booster leur système immunitaire. « En revanche, même si la question reste posée, il semble bien qu’un entraînement reposant sur des exercices à haute intensité, répétés sans récupération suffisante entre les séances, augmente la prévalence d’infections des voies aériennes supérieures », alerte Xavier Bigard. Il faut donc veiller à intercaler des sessions à basse intensité entre les sollicitations à haute intensité afin de permettre au corps de récupérer suffisamment. L’activité sportive répétée, qu’elle soit modérée ou intense, doit donc être planifiée intelligemment afin d’en tirer tous les bénéfices attendus, non seulement en termes de performances mais aussi en termes de santé.
Or la santé du sportif passe également par une bonne hygiène de vie. D’après Anthony Berthou, nutritionniste spécialisé en micronutrition, « l’alimentation est au cœur de la régulation de l’immunité. » Pour fonctionner, le système immunitaire a besoin d’inflammation : en effet, les cellules immunitaires génèrent un stress oxydatif, autrement dit un processus inflammatoire destiné à détruire les agents pathogènes. Pour éviter un emballement du système (aux effets délétères, comme on l’a observé dans le cas du Covid-19 avec la fameuse « tempête immunitaire », ou « orage cytokinique », responsable de l’aggravation de l’état des malades), l’inflammation doit être contrôlée. Pour cela, l’organisme a besoin de nutriments adaptés (cf. encadré). Il doit également disposer d’un temps de sommeil conséquent afin de permettre une régulation hormonale satisfaisante. En effet, un sommeil insuffisant et/ou de mauvaise qualité a un impact sur la production de certaines hormones qui sont liées aux défenses immunitaires. De manière générale, il est donc crucial de dormir 7 à 8 heures par nuit, dans une pièce obscure, sans lumière artificielle ni appareil électronique en fonctionnement. Le sommeil conditionne également le bien-être général et contribue à un état émotionnel serein. « Les pensées négatives et anxiogènes, mais aussi le stress psychologique altèrent l’immunité. A l’inverse, la méditation ou la cohérence cardiaque la renforcent », conclut Anthony Berthou.
L’immunité, c’est quoi ?
L’immunité désigne la capacité d’un organisme vivant à se défendre contre des substances étrangères (bactéries, virus…). Il existe deux types d’immunité :
– L’immunité innée, qui est un héritage biologique cellulaire vieux de 800 millions d’années et que tout individu possède à sa naissance : la réponse de cette immunité est immédiate (quelques heures) et non spécifique. Les neutrophiles, les macrophages et les natural killers (NK) sont des cellules impliquées dans cette immunité dite aussi naturelle.
– L’immunité acquise, qui doit être constituée au fil de l’existence via la contraction de maladies ou la vaccination : la réponse de cette immunité est plus lente (plusieurs jours), spécifique et adaptative. Les lymphocytes T et les lymphocytes B font partie des cellules de l’immunité acquise. Les anticorps sont les substances produites par ces lymphocytes.
A quelles influences le système immunitaire est-il soumis ?
L’immunité est mise à mal par un faisceau de paramètres :
– une maladie auto-immune
– l’âge (plus on est âgé, plus on est vulnérable)
– le déconditionnement physique
– la comorbidité (diabète, hypertension, cancer…)
– un état dépressif
– l’isolement
– le stress
– une alimentation inadaptée
– un entraînement sportif intense et répété sans temps de récupération suffisants
Alimentation et Immunité, quelques conseils
• Conseil n°1
Adopter le modèle méditerranéen
Grâce à une base majoritairement végétale, le régime alimentaire méditerranéen apporte une importante quantité de fibres, en particulier de fibres dites prébiotiques qui nourrissent le microbiote intestinal et contribuent au bon fonctionnement immunitaire. Il comporte également des apports élevés en antioxydants (notamment la quercétine) qui soutiennent l’immunité. Enfin, le modèle méditerranéen s’appuie sur des protéines animales favorables au système immunitaire (viandes blanches, poisson, œufs) et des matières grasses de qualité.
• Conseil n°2
Maintenir les apports en glucose
Indispensable au bon fonctionnement des cellules immunitaires (en particulier aux NK et aux macrophages), le glucose doit être présent en quantités suffisantes dans l’alimentation, surtout en période de risques d’infection. On évitera donc les séances à jeun en hiver (ou en période de pandémie comme pendant la crise du Covid-19). Les rations de récupération doivent permettre la reconstitution rapide des réserves glycogéniques. On privilégie cependant les aliments à faible charge glycémique afin de limiter la sécrétion d’insuline.
• Conseil n°3
Surveiller la vitamine D
Impliquée dans le métabolisme osseux, les fonctions musculaires, mais aussi les défenses immunitaires, la vitamine D a la cote depuis quelques années. L’idéal est de quantifier le statut en vitamine D via une analyse sanguine afin de procéder à une complémentation si besoin (une supplémentation en l’absence de carence est inutile, sauf pour les personnes âgées). Le meilleur moyen de disposer d’apports suffisants en vitamine D est de s’exposer suffisamment au soleil.
• Conseil n°4
Privilégier les Oméga 3
Les Oméga 3 sont des acteurs clés du contrôle de l’inflammation, alors que les Oméga 6 tendent à accroître celle-ci. Les huiles de colza et de noix, les petits poissons gras (sardines, maquereaux…) et les oléagineux (en particulier les noix de Grenoble) doivent occuper une place de choix dans l’assiette. A contrario, les viandes de bœuf et de porc, ainsi que les viandes issues de l’élevage industriel, doivent être rarement consommées.